Un documentaire de Volker Koepp

De 1974 à 1984, le cinéaste Volker Koepp est chargé par la DEFA, organisme officiel du cinéma en RDA, de filmer la chronique ouvrière de l’usine textile OBERTRIKOTAGENWERK de Wittstock, située tout près de la région de Wandlitz, ville-jumelle de La Ferrière.
Dans le personnel de l’usine, majoritairement féminin, il choisit quatre ouvrières : Renate, Edith, Elsbeth et Stupsi dont il décrit au fil du temps l’évolution professionnelle et les difficultés des conditions de travail.
En 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin, il retourne à Wittstock. Déjà, les conséquences de l’unification se font sentir et le chômage frappe. Auparavant, les ouvrières devaient subir en échange de la sécurité de l’emploi, le poids d’une hiérarchie et les incohérences du régime communiste dans l’organisation du travail. À présent elles sont livrées à la dure loi du libéralisme, c’est-à-dire à elles-mêmes. Courageusement, elles font face : chacune à sa manière essaie de se reconvertir, en dépit d’une certaine nostalgie vis-à-vis d’un système qui l’a fait vivre.

C’est le dernier film de Volker Koepp commandité par la DEFA. Les liens de complicité et de confiance créés par les visites fréquentes du cinéaste à ses quatre personnages donnent au film un ton de liberté et une justesse assez rares dans le documentaire, servis par une réalisation très maîtrisée à la hauteur de l’école cinématographique allemande, héritière d’un passé prestigieux.« La nostalgie de l’ancienne Allemagne de l’Est est devenu un sujet pour les talkshow à la télévision mais ce n’est pas une réalité. Les ouvrières de Wittstock savaient que le système ne tournait plus rond. Elles savaient que cet état de chose ne pouvait plus perdurer. Comme le dit une ancienne soudeuse, « je suis déçue par la réunification mais je ne regrette rien ». Cela n’a rien à voir avec cette nostalgie des gens de l’Ouest qui projettent leurs fantasmes sur la RDA. » Volker Koepp interview par Frédéric Théobald - novembre 2010

« Le cinéaste manifeste une continuité d’inspiration et de principes créatifs auxquels le temps, et les évènements , ont apporté une inflexion plutôt due aux transformations des objets suscitant son intérêt qu’à un changement de ses méthodes de travail ou de la nature de son regard (…) Il prolonge son travail de très longue haleine, qui s’étend aujourd’hui sur une durée de plus de 36 ans ,dans la ville de Wittstock dont il a commencé à filmer les ouvrières en 1974 (…) D’autre part, la série de films qu’il a commencé à consacrer à partir de 1976 à des régions, s’est développée largement après la réunification en reparcourant certains Länder frappés par la dureté des nouvelles conditions économiques et, en outre, en s’intéressant au devenir des territoires anciennement allemands avant 1945 et le découpage du territoire allemand à l’Est » Pierre GRAS (extrait de son livre « Good Bye Fassbinder , le cinéma allemand depuis la réunification » janvier 2011).